2023-12-12 Deviendrons-nous un jour une civilisation interstellaire ?

Un résumé commenté d’une interview en vidéo du Dr Avi Loeb, titulaire de la chaire d’astronomie d’Harvard, réalisée par Chris Williamson.

Dans cette interview, Avi Loeb revient sur les concepts traditionnels de l’astrophysique et la difficulté persistante des scientifiques à expliquer comment le big bang a été généré, faute de théorie unificatrice entre la mécanique quantique et les lois connues de la gravitation et de l’espace-temps. Il considère qu’une telle unification a dû être résolue par des civilisations les ayant étudiées pendant des millénaires. Elles pourraient avoir procédé à des expériences très avancées sur l’espace-temps et il n’exclut pas que notre univers soit le résultat d’une telle expérience.

Avi Loeb pense qu’une civilisation très avancée est une bonne approximation de notre conception millénaire d’un Dieu à l’origine de tout. À la différence des croyances religieuses, la science nous permettra progressivement de vérifier l’existence de civilisations avancées et de recueillir des données la soutenant, grâce aux caractéristiques avancées de certaines technos signatures dans notre atmosphère. En d’autres termes, le buisson-ardent biblique, interprété comme divin dans l’Antiquité, serait à présent scruté par des caméras thermiques et de nombreux autres instruments, y compris pour détecter des effets gravitationnels, puis minutieusement étudié : c’est le but du projet Galileo

La classification des types de civilisations de l’astronome russe Kardashev est basée sur la quantité d’énergie que des civilisations utilisent. L’Humanité actuellement n’utilise qu’une faction ridiculement faible de celle émise par notre soleil. Avec des sphères de Dyson, d’autres intelligences pourraient capter et utiliser une partie importante de l’énergie d’une étoile, d’une galaxie, voire plus hypothétiquement de celle d’un univers qui permet son expansion. 

Il fait remarquer que l’échelle de la maîtrise de sources d’énergie n’est pas l’aspect le plus important, il faut considérer aussi la modélisation de l’environnement que cela permet et que la création d’intelligences artificielles en est un autre aspect. L’étape ultime envisagée serait la création de bulles d’espace-temps, permettant des déplacements à des vitesses supérieures à celle de la lumière, voire la création hypothétique de nouveaux “bébés univers”.

Au sujet des récentes divulgations US concernant l’étude des nombreux PAN signalés par des militaires, Avi Loeb s’est entretenu avec Avril Haynes, diplômée en physique et directrice du renseignement national américain. Haynes lui a dit qu’elle n’en connaissait pas la vraie nature. Il a rappelé que son université installe et déploie actuellement, dans le cadre du projet Galileo, des plateformes automatiques de capture optiques infrarouges et de fréquences radio dans le but de résoudre cette énigme scientifique. 

Tout comme pour l’analyse des sphérules de l’objet interstellaire IM1 tombé en mer, Avi Loeb utilise une méthode strictement scientifique pour étayer ses conclusions. Il pense que l’attitude de la majorité des scientifiques pour éviter ce sujet est parfaitement ridicule. 

La science doit servir l’humanité sans a priori ni préjugés sur une question aussi fondamentale que la présence d’intelligences non humaines, sans se voiler la face telle qu’elle le fait actuellement. En d’autres termes, la science essaye depuis des décennies  d’étudier des objets très hypothétiques encore jamais décelés comme la matière noire, mais refuse de se pencher sur les données de phénomènes énigmatiques vu par nos radars et capteurs militaires dans l’espace, sur Terre et dans nos mers. 

L’institut SETI qui recherche la présence de civilisations dans le cosmos et qui ne dispose d’aucun fonds public, était jusqu’à présent plutôt réticent qu’une telle recherche puisse se faire dans notre environnement direct sur les PAN, et le soit, à l’aide de fonds gouvernementaux. De manière assez amusante, Avi Loeb fait remarquer que ceux qui prétendent qu’il n’y a strictement que des météorites ou nos satellites qui tombent sur Terre, privilégient en fait une science rétrograde qu’il qualifie d’âge de pierre. On se souvient que jusqu’au XVIIIᵉ siècle les savants et astronomes affirmaient qu’il ne peut pas y avoir de pierres qui tombent du ciel

Espérons qu’on n’ait pas à attendre le 22ᵉ siècle pour que les mentalités évoluent enfin. Des astronomes ont ainsi écrit que les données de vitesse recueillies par l’US Space Command étaient forcément erronées, car sinon cela impliquerait que l’objet IM1 ne soit pas composé de roches et de fer du fait de sa résistance trop élevée à l’entrée de notre atmosphère à très haute vélocité. Pour eux, 95% des météorites sont en roches et 5% en fer et ils s’entêtent à exclure d’autres compositions plus exogènes suggérées par la résistance anormale de l’objet. 

Avi Loeb pense que les données sont correctes et que l’on peut faire confiance au dispositif spatial utilisé aussi par le Space Command pour la détection en temps réel de frappes nucléaires balistiques ciblant les USA. La vélocité décelée était supérieure à 95% des objets répertoriés dans le système solaire et il pense qu’on n’apprendra rien si on continue de préjuger qu’il n’y a que des “pierres” dans le ciel.

Image par mike lacoste pour Pixabay

La survie stellaire de l’espèce humaine.

Indépendamment du réchauffement induit par nos activités industrielles, il va se produire d’ici à un milliard d’années une évaporation de nos océans, car la Terre sortira de la zone d’habitabilité du soleil. Il a été calculé que notre planète ne dispose plus que de 20% de son temps de présence dans cette zone et il se pose donc la question d’un exode stellaire de l’humanité à terme. Nous partageons certainement ce destin avec les milliards de mondes potentiellement habités de notre galaxie orbitant autour du même type d’étoile que le Soleil. 

Grâce à l’évolution, les cellules vivantes simples sur Terre ont été peu à peu remplacées par des organismes multicellulaires dont l’Homme. Avi Loeb pense que nous sommes peut-être qu’à une phase intermédiaire de l’évolution de la vie, et donc de l’intelligence vers une résilience stellaire plus complète. Des solutions non biologiques sont bien plus adaptées pour une expansion à des millions de milliards de kilomètres de la Terre, comme l’IA qui permettrait d’envisager un nouveau départ biologique sur des mondes habitables sélectionnés spécifiquement pour le très long terme.   

Pour l’instant, nous n’avons pas encore réussi à construire des technologies se réparant toutes seules ou se répliquant. Pour un exode interstellaire, cet objectif devra certainement être atteint au moins partiellement pour traverser des milliers d’années-lumière, ce sont autant d’années qui nous séparent de nos futures destinations. Il sera impossible de relayer des ordres à des sondes d’exploration et de reconnaissance qui devront posséder un fort potentiel d’intelligence artificielle décisionnelle. 

La forme biologique de l’intelligence sera toujours très vulnérable dans l’environnement très agressif du Cosmos malgré toutes les protections anti-rayonnements que l’on pourrait y déployer. La durée de vie d’un humain reste pour l’instant ridiculement faible face aux millénaires des temps de trajets, alors que la dilatation temporelle aux vitesses relativistes entraîne d’autres problèmes non résolus en termes d’énergie, de correction de trajectoire et de protection au moindre impact qui serait apocalyptique.  

Dans un premier temps, on pourrait créer des sondes semant des souches biologiques et des graines végétales sur les mondes candidats, puis en récupérer les résultats in situ pour les étapes suivantes, s’ils sont positifs. L’établissement de colonies humaines sur Mars serait possible, mais ne résoudrait pas le problème de surchauffe et d’emballement du Soleil à terme qui se répercutera jusqu’aux grandes planètes gazeuses géantes Jupiter et Saturne. 

Dans l’hypothèse où aucune technologie vraiment disruptive n’est mise au point, il faudrait se contenter de la technologie disponible et choisir par exemple de confier juste l’ADN de nos nombreuses formes de vie végétales, animales et humaines à des IA en espérant qu’elles puissent l’adapter à des mondes lointains encore vierges. Avi Loeb en profite pour faire une belle métaphore avec les fleurs qui se reproduisent en semant leurs graines au hasard du vent, l’humanité n’aura peut-être pas d’autre possibilité que de faire de même, mais de manière bien plus sélective. 

Le challenge de la survie de l’espèce humaine, sur le très long terme, sera visiblement colossal. Pour Avi Loeb, la perspective que d’autres intelligences aient déjà résolu ce problème, pourrait nous permettre de faire un bond en avant énorme, notamment en cas de récupération et de rétro-ingénierie d’une de leurs sondes avancées ici sur Terre. Il rappelle cependant que l’expansion de l’Univers accélère et que voyager extrêmement loin vers d’autres galaxies sera à certaines échelles de temps et d’espace à tout jamais impossible, surtout si la vitesse de cette expansion se rapproche sensiblement de la vitesse de la lumière. 

Virgo Cluster par Chris Mihos (Case Western Reserve University)/ESO WikiSky DSS2 image

Il évoque l’idée que des clusters comme celui de Virgo où la densité d’étoiles est 100 fois supérieure à celle de la Voie lactée, puissent servir de points de ralliement pour des civilisations avancées voulant y établir leur descendance génétique dans des zones à fort potentiel de survie sur le très long terme. Dans ces clusters denses, l’inflation cosmique serait très retardée, mais le problème consiste à les atteindre avant qu’ils soient définitivement hors de portée du fait de l’expansion qui s’accélère. 

Avec le Soleil, l’humanité a visiblement fait une mauvaise pioche pour le long terme : il va surchauffer puis disparaître d’ici à quatre milliards d’années, bien avant les étoiles naines, plus stables et ayant une longévité 100 fois plus importante. Cependant, les planètes orbitant autour des étoiles naines ont une zone d’habitabilité bien plus proche, ce qui les expose aux dangereuses éjections de masse coronales capables d’arracher leurs atmosphères. Lorsque ces étoiles plus petites auront brûlé aussi tout leur combustible nucléaire dans dix mille milliards d’années, il n’y aura a priori plus aucune échappatoire pour quoi que ce soit. Cependant, à ces échelles de temps astronomiques, la pérennité de vies biologiques est de toute manière très incertaine. 

Chris Williamson, à l’origine de l’interview, évoque une de ses hypothèses favorites, à savoir la mise en hibernation prolongée d’une civilisation entière lorsque toutes les étoiles seront éteintes et les sources d’énergie épuisées, tout en laissant le soin aux IA du nanomonde de rechercher de nouvelles solutions dans le continuum d’espace-temps, puis de réveiller les formes biologiques lorsqu’une solution sera trouvée. Avi Loeb explique alors l’importance de l’expansion et de la multiplication du nombre d’êtres intelligents d’une lignée afin d’en augmenter les chances de survie, y compris grâce à des découvertes scientifiques, et la nécessité d’ensemencer les ingrédients de la vie dans de nouveaux mondes, voire dans de nouvelles bulles d’espace-temps. 

Cependant, on ne connaît pas le pourcentage de civilisations qui pourraient atteindre une telle maîtrise scientifique hors du commun et probablement que beaucoup, limitées par leur intelligence ou les conditions de leur environnement, n’y parviendront pas. Avi Loeb fait remarquer que l’homme dépense des centaines de milliards dans la recherche militaire afin de tuer ses semblables sur de simples considérations politiques ou religieuses alors qu’on n’est plus du tout dans un contexte de survie immédiat comme nos ancêtres dans une jungle hostile. 

La coopération entre puissances géopolitiques, le partage des ressources et de l’effort de recherche scientifique dans un monde en paix, seraient pourtant bien plus bénéfiques pour l’Humanité. On a créé à la place les conditions de notre extinction immédiate et ce piège a pu mettre fin à certaines civilisations encore localisées sur leur planète d’origine.  

Dans ce contexte, la découverte objective d’autres civilisations, bien plus résilientes et pacifiques, serait souhaitable et nous montrerait l’exemple à suivre. Les paroles de la chanson de John Lennon Imagine, n’ont, semble-t-il, pas encore été assez prises en compte par nos semblables. Si, au lieu de dilapider inutilement des ressources pour la conquête de minuscules portions de territoire, on utilisait le budget militaire actuel pour l’exploration interstellaire, selon les calculs d’Avi Loeb, dès la fin de ce siècle, on pourrait envoyer de très nombreuses sondes exploratrices vers les étoiles. 

La prospérité dans la paix et la coopération est, de toute évidence, bien plus avantageuse que les destructions mutuelles insensées des conflits étatiques et politiques. Avi Loeb espère qu’un jour, des milliers de sondes traverseront l’espace interstellaire à la recherche de nouvelles opportunités de pérenniser notre civilisation. Beaucoup d’entre elles finiraient par dysfonctionner, mais il suffirait que quelques-unes trouvent des planètes adéquates pour changer le destin de l’Humanité. 

Interrogé sur les difficultés d’un tel projet, Avi Loeb répond que récemment, on a pu ramener à la vie des vers de terre qui avaient été gelés dans le permafrost sibérien il y a 46000 ans et qu’en développant les technologies actuelles, on pourrait lancer des microsondes vers des étoiles proches. En d’autres termes, l’ensemencement préalable de mondes lointains, propices à la vie, est déjà à notre portée.

Image par Rob de Roy pour Pixabay

Futur

Pour anticiper une éventuelle extinction ultérieure de l’humanité, on pourrait donc envoyer les briques de la vie qui nous caractérisent vers les étoiles par exemple à l’aide de voiles solaires. Des chercheurs ont démontré que certaines bactéries peuvent survivre à des impacts planétaires à l’intérieur de leurs météorites, donc la décélération en douceur des sondes porteuses sur leur destination ne serait pas forcément requise. 

La manœuvre prendrait actuellement 15 000 ans pour atteindre les exoplanètes les plus proches, soit environ le même temps depuis lequel l’homme a quitté son continent d’origine, l’Afrique. Un voyage à l’autre bout de la galaxie par contre prendrait lui au minimum un demi-milliard d’années, mais avec les technologies humaines actuelles, il deviendrait malheureusement plus long que l’âge supposé de l’Univers et démontre ainsi l’énorme défi à relever. 

En développant les technologies de pointage ultra-précis, de stabilisation d’une voile solaire, et de laser puissant, un cinquième de la vitesse de la lumière pourrait être atteint, ce qui permettrait en théorie le trajet vers l’étoile la plus proche en 25 ans. Si l’humanité était capable de capturer toute l’énergie du Soleil reçue sur Terre et la réémettre sous la forme d’un faisceau radio surpuissant, on pourrait envoyer des humains dans des vaisseaux équipés dune voile solaire vers une étoile proche. Avec une accélération constante d’un G, on atteindrait une vitesse assez proche de celle de la lumière au bout d’un an, voire 99% de cette vitesse en 936 jours pour profiter des dilatations temporelles permettant d’atteindre des distances énormes. 

Par contre, pour décélérer, il faudra soit demander poliment à une civilisation sur place tout en leur envoyant au préalable les plans du faisceau ralentisseur et les paramètres de pointage, soit compter sur nos propres IA envoyées 25000 ans plus tôt à faible vitesse sur place, pour accomplir le travail, en espérant qu’aucune n’ait un écran bleu d’erreur de type Microsoft…  Visiblement, ce n’est pas gagné d’avance, du moins dans le cadre de nos connaissances et technologies actuelles. 

En novembre 2023, un prototype d’EMdrive a été satellisé pour tester son éventuelle capacité à produire une poussée sans éjection de masse, les mesures de la poussée réelle obtenue seront connues en 2024. Pour l’instant, une solution disruptive au problème du voyage spatial reste toujours à découvrir et il n’est plus un secret, que certains d’entre nous, comptent sur les capteurs civils du projet Galileo, traquant les PAN, voire de l’interféromètre LIGO ou d’autres capteurs scientifiques, pour nous y aider…

Image principale par ntnvnc pour Pixabay

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