2023-11-16 Des Objets Volants Non Identifiés aux Événements Anormaux : Le Rapport de l’AARO

L’énigme des Phénomènes Aérospatiaux Non Identifiés (PAN), que le public connaît communément sous l’acronyme OVNI (Objets Volants Non Identifiés), semble loin d’être résolue, du moins publiquement. Un rapport récent du “Bureau de Résolution des Anomalies Tous-Domaines”(AARO) du Département de la Défense des États-Unis (DoD) a mis en lumière des découvertes sur ces phénomènes énigmatiques :

Le rapport de 16 pages, émanant du Pentagone, couvre la période allant du 13 août 2022 au 30 avril 2023, ainsi que les observations de PAN antérieures n’ayant pas encore été incluses dans les précédents comptes rendus de l’agence. L’AARO a reçu un total de 291 rapports PAN pendant cette période, dont 274 se sont produits durant la période de collecte. Enfin, en avril 2023, on rapporte que l’AARO en a examiné plus de 800 depuis sa création. 

Ces observations proviennent de diverses sources, notamment du personnel militaire, des pilotes civils et des détecteurs. Par détecteurs, l’AARO précise qu’il s’agit des ‘radars’ et des ‘capteurs électro-optiques /infrarouges. Le rapport ajoute que ‘la présence d’artefacts dans les images capturées par ces capteurs, tels que les leurres IR, et les effets d’optique, comme la parallaxe, peuvent entraîner des erreurs d’observation’.

L’analyse des tendances générales des observations de PAN révèle un biais persistant vers les espaces aériens militaires restreints, en raison du signalement par le personnel et des capteurs présents dans ces zones. Cependant, cette tendance a été quelque peu atténuée par les rapports de pilotes commerciaux qui révèlent « une répartition géographique plus variée des observations de PAN à travers les États-Unis ».

L’AARO a également reçu des signalements de l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) qui gère le trafic aérien civil américain, concernant plus de 100 incidents avec ces phénomènes. Ces rapports mettent en évidence des observations d’objets lumineux non identifiés à des altitudes variables. Cependant, même avec l’intégration croissante des signalements de pilotes commerciaux dans la base de données de l’AARO, son compte rendu met en évidence un « biais de collecte fortement orienté vers les États-Unis, qui continuera de croître de manière significative par rapport au reste du monde ».

Le rapport indique que les PAN continuent de représenter un danger potentiel pour la sécurité des vols. En effet, selon celui-ci, certaines observations de PAN impliquent des objets qui « présentent potentiellement une ou plusieurs caractéristiques de performance préoccupantes telles que des déplacements à grande vitesse ou une manœuvrabilité inhabituelle », ce qui soulève des inquiétudes quant aux éventuels problèmes de sécurité aérienne pouvant résulter de la rencontre de PAN par des aviateurs. 

Le document de l’AARO fournit un aperçu des progrès réalisés par l’agence dans la réception, la normalisation, l’analyse et la résolution des rapports de PAN. Il souligne l’importance de travailler en étroite collaboration avec les partenaires militaires et techniques afin d’améliorer la collecte de données et d’accroître la qualité des conclusions, pour réduire  les risques et développer une meilleure connaissance de ces phénomènes. 

Celui-ci souligne également que des données insuffisantes provenant de divers capteurs et autres plateformes de collecte « peuvent entraîner des erreurs d’observation », notant qu’à mesure que de meilleures données seront recueillies au fil du temps, « la plupart des cas de PAN seront probablement classés comme des phénomènes ordinaires, réduisant considérablement le nombre de déclarations d’observations de PAN ».

À cette date, les observations de PAN collectées par l’AARO, indiquent que « seul un très petit pourcentage des rapports de PAN présente des signatures intéressantes, telles que des déplacements à grande vitesse et des morphologies inconnues ».

Actuellement, la plupart des observations recueillies par l’AARO concernent des objets qui « présentent des caractéristiques ordinaires provenant de sources facilement explicables » bien que le manque de données ait empêché un grand nombre de cas d’être analysés et expliqués. Parmi les cas les plus notoires figure l’incident du Nimitz en 2004, qui reste encore non résolu à ce jour.

Image par 12019 de Pixabay

L’incident du Nimitz est un événement où des pilotes de chasse de l’US Navy ont observé des PAN au large de la côte sud de la Californie. Le 14 novembre 2004, des pilotes de chasse dont David Fravor du Groupe de frappe du porte-avions Nimitz , ont  enquêtés sur des indications radar d’une cible possible. Il a expliqué que l’opérateur lui avait dit que l’USS Princeton avait suivi des avions inhabituels pendant deux semaines avant l’incident. David Fravor, alors commandant du 41eme escadron de bombardement et d’attaque, plus connus sous le nom des « Black Aces », a observé un objet en forme de Tic Tac qui a effectué des manœuvres aériennes impossibles pour tout avion connu. Les observations ont été enregistrées sur vidéo et ont été largement diffusées dans les médias.

En 2021, le commandant Fravor a témoigné sous serment devant le Congrès américain et a répété ses affirmations,  « la technologie que nous avons affrontée était bien supérieure à tout ce que nous avions ». Les observations ont été classées comme « phénomènes aériens non identifiés » par le Département de la Défense des États-Unis. 

Sean Kirkpatrick, le scientifique et officier du renseignement militaire qui dirige l’enquête gouvernementale sur les phénomènes anormaux non identifiés, s’entretenait avec ABC News lors d’une première interview télévisée exclusive à l’intérieur du Pentagone en juillet 2023.

À la tête de l’AARO, celui-ci déclare que « Les données et la science doivent orienter nos actions, et nous suivrons les données » il poursuit, « J’ai toute une gamme d’hypothèses : d’un côté du spectre, il s’agit de technologies avancées provenant d’un adversaire. En plein milieu, j’ai tous les objets connus, ballons, drones, oiseaux, et ainsi de suite. Et à l’extrémité opposée du spectre, nous avons les extraterrestres ». Dans cette même interview, il précise qu’un petit nombre de rapports ”environ 2 à 5 % des cas” sont des anomalies inexpliquées, y compris ce que l’on appelle l’incident “Tic Tac” de 2004.

Bien que 65 % des Américains croient en l’existence d’une forme de vie intelligente au-delà de la Terre, le rapport indique qu’aucune preuve irréfutable d’un contact extraterrestre n’a été établie. 

Cependant, celui-ci nous donne des précisions sur les témoignages reçus et les résultats d’étude de ces différents cas. Parmi toutes les observations recensées, un peu plus de la moitié (53 %) ne comportent aucune information sur la forme des objets observés. On pourrait alors se demander comment sont transmis puis traités ces témoignages lors de leur réception et comment peut-on diminuer ce pourcentage ? Il paraît juste de s’interroger sur ce que ce chiffre implique, en effet plus de la moitié des cas reçus par l’AARO sont donc classés comme inexploitables, cela pourrait donc avoir une incidence importante sur le nombres de cas non résolus.

Parmi les témoignages, les formes « irrégulières » représentent 6 %, les formes ovales 4 %, tandis que les disques et les rectangles constituent respectivement 2 %, et les objets cylindriques et les triangles 1 % chacun. En outre, 5 % des rapports sont qualifiés de « détections ambiguës », autrement dit on ne sait pas si l’appareil ayant enregistré l’information n’a pas été leurré ou victime d’une mauvaise interprétation de l’opérateur, d’une mauvaise calibration, d’un effet d’optique, voire peut-être même d’une défaillance.

Parmi les formes les plus couramment signalées, un quart (25 %) étaient des observations d’objets décrits comme des sphères, des objets ronds ou sphériques.

Dans les 291 rapports recueillis au cours de la récente période de collecte, approximativement un cinquième (21 %) font état de la présence de lumières, tandis que la vaste majorité (79 %) ne semblent pas en posséder, ou du moins, aucune n’était visible au moment des observations.

Lors d’une audience au Sénat en avril 2023, le Dr. Sean Kirkpatrick, directeur du Bureau de résolution des anomalies tous domaines du département de la Défense (AARO), a révélé “que plus de la moitié des rapports de PAN collectés par le bureau étaient liés à des observations d’objets décrits comme des sphères ou d’autres objets sphériques de couleur blanche, argentée ou translucide”.

Pendant l’audience, M. Kirkpatrick a souligné que le principal objectif de l’AARO était de comprendre la nature de ces objets. Il a ensuite partagé des images capturées par un drone MQ-9 Reaper au Moyen-Orient en 2022, montrant un objet volant qui ressemblait à une sphère métallique en train de traverser les cieux.

Cette synthèse explique que l’intégration des domaines spatial et maritime dans les efforts d’analyse actuels serait bénéfique pour l’étude du sujet, tout en précisant que « la collaboration avec la Space Force, le U.S. Space Command, le NRO et la NASA est en cours ». Elle précise aussi que l’AARO travaille à « standardiser et systématiser » un processus de déclassification en vue de la publication de données et de « vidéos en mouvement complet » . Il précise que ce processus avait été utilisé avant la diffusion publique de ces données lors des audiences du Congrès qui ont eu lieu plus tôt cette année.

Le glossaire inclus dans le rapport de l’AARO revêt une importance capitale. Ce rapport souligne que l’AARO travaille en étroite collaboration avec le Département de la Défense et la Communauté du Renseignement pour identifier et lier les objets à ces phénomènes. 

Il est clair que les PAN ne sont plus simplement relégués à la sphère de la spéculation, mais sont désormais pris au sérieux au plus haut niveau de l’État.

 « Analyser et comprendre les menaces potentielles posées par les PAN est un effort collaboratif continu impliquant de nombreux départements et agences » a déclaré le porte-parole du Pentagone, le général de brigade Pat Ryder, dans un communiqué de presse publié après la version non classifiée du Rapport annuel 2023 sur les PAN, qui est apparue sur le site officiel de l’AARO.

« La sécurité de notre personnel de service, de nos bases et installations, ainsi que la protection de la sécurité des opérations américaines sont primordiales »

Celui-ci ajoute :

« Nous prenons au sérieux les rapports d’incursions dans nos espaces désignés, que ce soit dans l’espace, sur terre, en mer ou dans les airs, et nous examinons chacun d’entre eux »

Le glossaire, tel que présenté dans le rapport, détaille les termes relatifs aux PAN et aux procédures de récupération des objets associés à ces phénomènes. Il définit les PAN comme des « Sources de détections anormales dans un ou plusieurs domaines » et mentionne explicitement la récupération de « matériel lié aux PAN. »

Image par Andreas Glöckner de Pixabay

Cette terminologie suggère qu’en coulisses, il existe des efforts pour récupérer en tout ou partie des objets liés à ces phénomènes. Comme le montre la présentation de l’agence sur son site officiel : « L’AARO dirige la planification et l’exécution de la récupération des objets liés aux PAN, en étroite collaboration avec le groupe S&T de l’AARO. »

Celui-ci évoque également la possibilité d’engager les PAN. Il définit leur engagement comme étant de « les amener sous un feu cinétique ou non cinétique, pour repousser, perturber ou détruire le phénomène et/ou ses objets. » Cette déclaration suggère que des tentatives d’interaction actives avec ces phénomènes ont eu lieu ou sont envisagées. 

Cette évolution dans la doctrine militaire est significative, car elle indique que l’ensemble de l’arsenal des États-Unis peut potentiellement être mobilisé pour faire face à ces PAN, y compris l’utilisation de moyens non cinétiques pour interagir avec eux, d’où la définition énoncée dans le glossaire du document : “Interrogation des PAN : L’extraction de données sur la localisation, les capacités, les caractéristiques et/ou l’intention du PAN à l’aide de capacités de détection passives et/ou actives, comprenant, sans s’y limiter, les moyens électro-optiques/imagerie, infrarouge/thermique, radiofréquence/radar, lumière / laser / lidar / ladar, électromagnétiques, gravitationnels et radioactifs”.

La définition “d’Intrusion de PAN”, telle que présentée dans le glossaire du rapport de l’AARO, est particulièrement révélatrice de la volonté des États-Unis d’élargir la portée de l’étude de ces phénomènes à une coopération internationale. Cette définition englobe non seulement les incidents de PAN “sur des installations militaires américaines, mais également sur des zones opérationnelles, des zones d’entraînement, des espaces aériens à usage spécial, des opérations de proximité et d’autres zones d’intérêt pour la sécurité nationale”.

Elle inclut aussi “des infrastructures critiques des États-Unis, des installations et des plates-formes du renseignement, ainsi que les intérêts de défense nationale des coalitions militaires et de renseignement alliées, notamment les Five Eyes”.

Cette définition suggère que les États-Unis sont prêts à partager des informations et à collaborer avec leurs alliés des Five Eyes (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) sur les incidents de PAN. Ces pays ont historiquement partagé des renseignements et collaborer étroitement sur des questions de sécurité et de renseignement.

Cette alliance a été établie après la Seconde Guerre mondiale pour faciliter le partage d’informations sensibles, principalement axées sur la surveillance, le renseignement électronique et les menaces à la sécurité nationale. Les membres des Five Eyes partagent des renseignements sur les menaces potentielles, les activités terroristes, la sécurité nationale, les renseignements militaires et les capacités technologiques des adversaires.

Des exemples de cette collaboration incluent le partage d’informations sur les activités de renseignement des pays adverses ou hostiles, le suivi des mouvements de terroristes ou de groupes extrémistes, et la surveillance des communications pour prévenir des menaces potentielles. Parmis les exemples notables de cette collaboration on peut citer :

Opération Anvil (1944) : Cette opération conjointe entre les membres des Five Eyes a impliqué la coordination pour sécuriser la région de Marseille, dans le sud de la France, lors du débarquement allié pendant la Seconde Guerre mondiale.

Opération Eikonal (2008) : Des rapports ont suggéré que les agences de renseignement des Five Eyes ont travaillé ensemble pour surveiller le trafic internet en Allemagne, en utilisant des câbles de données situés sur le territoire allemand, suscitant des controverses quant à la coopération entre les services de renseignement.

Opération Unified Protector (2011) : Cette opération, bien que principalement une initiative de l’OTAN, a vu une coopération étroite entre les pays des Five Eyes dans le cadre des activités de surveillance, de renseignement et de reconnaissance menées pendant l’intervention en Libye.

L’inclusion de cette terminologie dans le rapport de l’AARO indique un effort pour étendre cette coopération à la compréhension des PAN. Le rapport ne spécifie pas les détails de cette coopération potentielle entre les pays membres, mais il souligne que les incidents de PAN continuent d’être enquêtés.

Alors que ce rapport non classifié laisse encore de nombreuses questions en suspens, les termes du glossaire pourraient impliquer que la version classifiée de celui-ci contiendrait des informations plus détaillées sur les efforts de récupération d’objets liés à ces phénomènes. On peut aussi s’interroger sur la nature des communications et des tentatives d’engagement actives avec ces phénomènes, ainsi que la coopération entre les Five Eyes. Il paraît logique que l’étude de ces  phénomènes prenne une dimension mondiale, en raison de leur présence sur l’entièreté du globe mais également des enjeux stratégiques que représentent leurs compréhension. 

En explorant le sujet des PAN ce rapport de l’AARO a offert un aperçu bref de l’avancée de la recherche sur ces phénomènes. Il soulève des questions capitales : quelles menaces réelles ou potentielles ces objets présentent-ils pour notre sécurité aérienne et les opérations militaires et civiles ? La diversité des observations et les lacunes dans les données posent la question de la fiabilité, la calibration  et de l’analyse des capteurs utilisés. 

De plus, la mention de récupération d’objets et de l’engagement actif avec ces phénomènes soulève des interrogations sur la nature et de la portée exacte de ces actions, et comment pourraient-elles influencer notre compréhension des PAN à l’avenir ?

Image principale par Anna de Pixabay

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