2023-10-28 Faut-il rester passif pour détecter des PANs?

Durant  un exercice d’entraînement au combat, un groupe aéronaval, le CSG (Combat Surface Group) 11 détecte des anomalies sur le radar d’un des croiseurs puis sur un E-2 Hawkeye. Par la suite, deux F18 sont envoyés sur site à l’encontre de l’une des anomalies.

Par quel moyen la détection d’un PAN a-t-elle été possible ?

Dans le dossier de la commission Sigma2 de la 3AF (Association Aéronautique et Aérospatiale de France), on retrouve tout le déroulé de la situation de 2004, lors de la rencontre entre le PAN (phénomène aérospatial non identifié) et le F18 du groupe aéronaval CSG 11, dans les détails, ainsi que dans notre article.

Nous nous concentrerons ici sur les moyens ayant permis la détection des objets présumés et nous émettrons une hypothèse sur la façon dont cela a été possible.

Nous nous intéresserons aux principes de fonctionnement des deux types de radar mis en œuvre au moment de la rencontre et d’émettre une hypothèse sur la manière dont ont pu être détectés les objets par le SPY-1.

Image par Christian Wolff

Comment fonctionne le radar SPY-1 de l’USS Princeton qui a détecté le premier le PAN ?

Le SPY-1 est un radar à commande de phase. Il est constitué d’une multitude de petites antennes fixes formant un quadrillage.

Un radar classique tourne sur lui-même afin d’émettre dans toutes les directions, envoyant une pulsation et écoutant les échos pour détecter les objets. Dans le cas d’un radar SPY-1, la direction d’émission est contrôlée électroniquement en déphasant du signal entre les petites antennes. Il en résulte une orientation différente selon ce déphasage (angle).

Le SPY-1 offre des capacités de recherche, de suivi et de guidage de missiles. Il est une partie intégrante du système de combat Aegis, et est conçu pour des opérations multi-missions.

La principale différence technique entre ces radars réside dans la façon dont ils émettent et reçoivent des signaux. Les radars à réseau phasé comme le SPY-1 peuvent balayer un large secteur de l’espace beaucoup plus rapidement et de manière plus flexible, chose cruciale pour des missions multifonctionnelles. Les radars à impulsion Doppler, tels que l’APS-150 et l’APG-73, sont plus spécialisés dans la détection de la vitesse des objets.

Chacun a ses propres avantages et inconvénients : les radars à réseau phasé sont généralement plus coûteux et complexes, mais offrent une flexibilité et une capacité de multitâches supérieures. Les radars à impulsion Doppler sont souvent plus simples et moins coûteux, mais peuvent être limités dans la gamme des missions qu’ils peuvent accomplir efficacement.

À notre connaissance, durant l’incident du Nimitz en 2004, seul le radar SPY-1 du Princeton et le APS-150 de l’Hawkeye ont détecté le PAN.

Image par Christian Wolff

Comment le SPY 1 a-t-il pu détecter le PAN en mode passif ?

Le mode passif, dit “d’écoute”, permet d’écouter l’environnement grâce aux émetteurs tiers (satellite, TV, radio, etc), comme si l’on surveillait un insecte dans son jardin grâce à des bougies posées au sol, sans pointer sa lampe torche directement sur lui.

Le radar SPY-1 est un composant clé du système de combat Aegis utilisé par les États-Unis et les forces navales alliées. Ce système radar est multifonctionnel et peut fonctionner dans divers modes, y compris le mode passif.

En mode passif, le radar SPY-1 agit comme un récepteur sans émettre de signaux. Au lieu de cela, il écoute les émissions électromagnétiques provenant d’autres sources (et les échos induits par celles-ci), telles que les communications radio ou les signaux radar d’avions navires et de satellites.

Le principal avantage du mode passif est qu’il permet la détection et le suivi sans révéler la propre position du radar ou même sa présence. Ceci est particulièrement utile dans les opérations d’infiltration ou de surveillance, où il est crucial de rester indétectable le plus longtemps possible. De plus, parce qu’il repose sur des signaux électromagnétiques existants, le radar passif est moins sujet au brouillage ou aux contre-mesures électroniques visant les radars actifs.

Cependant, il a ses limites. Le radar passif nécessite généralement une analyse de données plus sophistiquée, car les signaux qu’il utilise ne sont pas conçus à des fins radar. Cela implique souvent des algorithmes complexes pour corréler les signaux reçus avec la localisation et le mouvement de l’objet. De plus, ses performances peuvent être affectées par la densité et la qualité des signaux disponibles dans l’environnement opérationnel.

Le mode passif dans des systèmes radar comme le SPY-1 peut offrir des avantages spécifiques pour la détection de PAN. Dans la guerre électronique, on fait attention à l’écho que l’on renvoie afin d’être détecté le plus tard possible, voire de se faire passer pour quelque chose d’autre. Cela s’appelle la “Surface Equivalente Radar”.

On essaye donc de diminuer la SER le plus possible, ou, comme évoqué plus haut, de posséder des dispositifs qui imitent une SER d’un autre appareil sur une certaine bande de fréquence. 

Ainsi le mode passif, qui utilise des fréquences « classiques » (non militaires), peut passer outre ces contre-mesures.

Le filtrage électronique et l’informatique de détection jouent également un rôle clé dans ce processus. Dans un environnement complexe où de nombreux signaux peuvent être présents, les filtres électroniques permettent d’isoler les signaux d’intérêt à partir du bruit de fond ou des interférences. Des algorithmes sophistiqués peuvent ensuite être utilisés pour analyser ces signaux passifs et déterminer les caractéristiques de l’objet, telles que sa vitesse, sa direction et son altitude.

Il est par ailleurs possible que des PAN aient des caractéristiques qui les rendent difficiles à détecter avec des radars actifs conventionnels. Par exemple, si un PAN utilise une forme de technologie de furtivité ou s’il est conçu pour éviter des fréquences radar spécifiques, un radar en mode passif pourrait avoir une meilleure chance de le détecter en capturant des émissions involontaires de l’objet, ou en utilisant des signaux émis par d’autres sources.

En résumé, le mode passif peut offrir une méthode de détection plus discrète et potentiellement plus résistante aux contre-mesures, avec la possibilité d’utiliser des techniques de filtrage électronique et des algorithmes de détection avancés pour identifier des PAN. Cette capacité à fonctionner de manière plus furtive et à exploiter une variété de signaux environnementaux fait du mode passif une option pertinente pour la détection d’objets aériens non identifiés.

Si vous souhaitez construire vous-même un petit radar passif, cela est possible ! Regardez cette vidéo.

Image principale par Hans for Pixabay

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